On a raison de dire que
lorsque l’on n’agit pas comme
on pense, on finit par penser
comme on agit.
Cela est particulièrement vrai
de l’oraison.
Si tu pries uniquement
lorsque tu en as envie et si
tu cesses de prier lorsque tu
n’en as plus envie, tu
deviendras vite esclave de
tes états d’âme. L’élan de
ton caprice remplacera celui
de ta foi, et tu t’éloigneras
peu à peu de l’oraison en
décidant une fois pour toutes
qu’elle est faite pour les
autres mais pas pour toi.
Il t’appartient de décider
combien de temps tu
consacreras à l’oraison
chaque jour. Ta décision est
libre. Tu t’y engages dans la
foi.
Tu crois que Dieu est là et
qu’il t’aime. Son silence
t’appelle. Tu ne peux pas
vivre comme s’il n’existait
pas. Tu réponds Me voici. Tu
te tiens devant lui. Tu dis Me
voici Sans ouvrir la bouche,
par un simple mouvement de
ton cœur, par ta seule
présence, par ta foi offerte à
sa présence.
Combien de temps brûlerastu ainsi pour Dieu chaque
jour ? C’est à toi de le dire.
Cinq minutes ? Une demiheure ? Davantage ?
C’est à toi de le dire. Tu te
connais. : L’important est que
tu t’y mettes et qu’ensuite tu
t’y tiennes. Sache commencer.
et recommencer autant de
fois que cela sera nécessaire.
Ne dis pas que tu n’as pas
le temps: prends-le ! Ce qu’il
faut, au tout début, c’est éviter
de mettre la barre trop haut.
Dieu ne te demande pas des
performances. Ce n’est pas
toi qui montes vers lui, c’est
lui qui descend vers toi. Il
regarde ton cœur.
Commence par quelques
minutes chaque jour. Quelques
minutes ? Cela semble peu
de chose. Et pourtant ! Ce
temps brûlé pour Dieu n’a
pas de prix. Sais-tu qu’avant
d’être ton œuvre, ta prière
est l’œuvre d’un Autre ?
Ton oraison c’est Dieu en toi
Laisse-le faire. Il ’emmènera
plus loin quand le moment
sera venu.
Toi, sois bien fidèle à ce
long moment de prière
silencieuse chaque jour.
Mieux vaut commencer par
cinq minutes que de
démarrer comme un bolide
et t’arrêter au bout de
quelques jours.
À vouloir faire davantage
tout de suite, tu risquerais de
te décourager et de tout
arrêter avec mille bonnes
excuses. Combien ont cessé
de faire oraison simplement:
parce qu’ils ont essayé de
forcer la porte de la prière
au lieu de s’y laisser
conduire pas à pas ? On
peut forcer bien des portes
mais cette porte-là ne s’ouvre
que devant les petits.
Frappe. Et tu découvriras
que Dieu était là, sur le seuil
de ton âme, guettant ton
retour depuis toujours.
Il t’invite chez toi. Il t’ouvre
de l’intérieur. Tout est prêt
pour la fête. Franchiras-tu ce
seuil ?
Qu’importe si ton esprit
vagabonde, si ton
imagination te joue des tours.
Qu’importe si tu regardes ta
montre dix fois en cinq
minutes.
Une seule chose compte :
que tu sois là !
Pourquoi restes-tu là
immobile, en silence ? Parce
que Dieu est là.
Cela suffit pour que tu y
sois aussi. Tu es présent au
Présent.
Dieu ne regarde que ta
bonne volonté. Tes
distractions ne le gênent pas.
Il en a vu d’autres.
Ton unique effort est de te
laisser aimer. Dieu t’aime
comme lui seul sait aimer, lui
qui est Amour, Amour infini,
Amour miséricordieux. Il
attendait ce moment
depuis toujours. Il t’aime d’un
Amour éternel et voici
qu’enfin tu reconnais sa
présence dans le silence de
ton âme.
Dieu est là. Voudras-tu
demeurer en sa présence ?
Accepteras-tu de rester là, toi
aussi, sous son regard, dans
son silence, pauvre des
belles pensées qui fuient ton
esprit dès que tu mets la
main dessus, pauvre du
grand amour que tu voudrais
tant te fabriquer pauvre de
toi-même, riche de Dieu seul
L’oraison est une pauvreté
riche de Dieu seul.
Cette pauvreté-là, on ne se
la fabrique pas en se vidant
les poches
On la reçoit de Dieu sans
jamais cesser de la mendier.
La porte de la pauvreté ne se
laisse pas forcer plus
facilement que celle de
l’oraison. On devient pauvre en
se laissant appauvrir. On
devient pauvre en se laissant
introduire. dans une
ressemblance plus grande avec
celui qui, de riche qu’il était,
s’est fait pauvre pour nous.
Cette ressemblance, c’est
l’oraison qui te la donnera.
Tu rêvais d’offrir à Dieu une
belle pauvreté, la tienne, celle
que tu l’étais fabriquée avec
soin pour bien te distinguer des
riches ?...
Aujourd’hui, sauras-tu te laisser
appauvrir de l’image que tu
voulais donner de toi-même ?
Consentiras-tu à n’être rien
d’autre que ce que Dieu a fait
en toi ? L’oraison est aussi une
école de vérité.
Croyais-tu peut-être édifier Dieu
par tes pensées profondes ?.…
Aujourd’hui, laisse-toi appauvrir
de ce dont tu es le plus fier :
ton esprit et tes belles phrases.
Dieu préfère ton cœur. Fais
oraison.
De toi, il n’attend pas des
mots.
C’est toi qu’il veut.
À défaut d’exploits, il te restait
peut-être à lui offrir une
humilité
héroïque ? Aujourd’hui, accepte
d’être aussi pauvre d’exploits
que d’humilité. Fais oraison.
En un mot, sauras-tu te laisser
appauvrir du personnage que tu
l’es créé ? C’est ta personne
que Dieu aime. Il lui suffit que
tu sois là, rien que pour lui.
Avec où sans ferveur, cela n’a
pas d’importance. C’est toi qui
compte. C’est toi qui es son
enfant, pas ta ferveur.
Laisse-toi aimer tel que tu es.
Laisse-toi appauvrir de la haute
idée que tu te faisais de toimême, ainsi que de la fausse
modestie qui la camouflait souvent.
Pour t’aimer, Dieu n’attend pas
que tu sois un autre. C’est lui
qui te transformera peu à peu.
Laisse-le faire. Il agira à ton
insu.
Plus il agira, moins tu le
sentiras.
Il te remplira peu à peu de
son Amour, jusqu’à prendre
toute ta place. Toi, sois
seulement fidèle au temps que
tu as décidé de consacrer
chaque jour à l’oraison.
Dieu a besoin de ta fidélité
pour te dépouiller de toi-même.
Peu à peu, sans même que tu
t’en rendes compte, ta prière
se simplifiera.
Dieu te parlera sans bruit de
paroles. Il te dira ce qu’il
cache aux sages et aux
savants. || se dira en se
donnant. Et tu ne sauras que
te taire,-toi aussi, pour
entendre son murmure au plus
secret de ton âme...
Ne crains pas.
Un jour, tu t’apercevras avec
surprise que tu regardes moins
ta montre. (Au début, il t’avait
semblé étrange de lier ainsi la
prière à un temps fixé
d’avance : cela ne revenait-il
pas à chronométrer la
gratuité ?) Et voilà que tu
regardes un peu plus vers Dieu
et un peu moins vers l’horloge.
C’est que tu as fait du chemin.
Dieu t’a conduit un peu plus
loin. Sans que tu t’en rendes
compté, Dieu a agi en toi, il t’a
transformé.
Au-delà de ton oraison, c’est :
toute ta vie qui est transformée.
Tu ne le sens pas toujours.
Autant dire que tu ne le sens
jamais. Mais tu en constates
les effets, avec une surprise
pleine de reconnaissance.
Tel verset de l’Écriture ’éclaire
soudain pour toi... telle
personne t’apparaît sous un jour
nouveau... tu ne regardes plus
l’Église seulement comme une
société organisée, mais comme
le Corps du Christ...
Tu découvres que Dieu a
réellement besoin de tel geste
que tu faisais chaque jour par
routine.
Bref, tu es toujours le même
(ceux qui te connaissent diront
sans doute que tu n’as guère
changé, avec tes qualités et
tes défauts).
Ce qui a changé, c’est le
regard que tu portes sur eux,
c’est ton cœur.
Voilà ce que Dieu regarde. Il
ne s’arrête pas à la surface.
À ton insu, tu rayonneras sa
présence dans les gestes les
plus simples de ta vie de tous
les jours, dans la mesure où tu
lui auras donné, chaque jour, le
temps de te remplir de luimême.
C’est ainsi que tu seras apôtre.
Être apôtre, ce n’est pas faire
des tas de discours ou des tas
de kilomètres. C’est vivre de
Jésus où que l’on soit.
Ton oraison, c’est Dieu en toi,
mais pas pour toi seul !
Ce que Dieu fait en toi, il le
fait aussi par toi. Si tu vis de
lui, tu le rayonneras autour de
toi, où que tu sois et quoi que
tu fasses, sans même t’en
rendre compte.
Jean-Paul Il a dit : « Il est
nécessaire de trouver du temps
pour vous approcher du Christ
dans l’oraison.. c’est seulement
de cette manière que vous
pourrez ensuite le porter à ceux
que vous rencontrerez. »
Veux-tu porter Jésus à tes
amis, à tes voisins, à ceux qui
soufrent et qui sont seuls ?
Approche toi de lui dans
l’oraison.
Veux-tu porter Jésus à ceux
que tu rencontreras au bureau,
à l’atelier, à la fac, à l’hôpital, à
l’aumônerie ?
Approche-toi de lui dans
l’oraison.
Veux-tu porter Jésus dans les
combats pour un monde plus
juste et plus fraternel, dans les
luttes contre toutes les misères
?
Approche-toi de lui dans
l’oraison.
Dieu t’aime. Te laisseras-tu
aimer ? Ton oraison sera ton
oui, pas besoin que tu ouvres
la bouche. Il est là. Tu es là,
pour lui seul. Cela lui suffit
Laisse tes distractions s’agiter
dans leur coin. Elles n’ont rien
d’autre à faire. Toi, laisse-toi
aimer.
L’oraison met dans ta vie des
moments d’éternité. Elle donne
à ta vie son poids d’amour.
Dis-moi quel est ton amour, et
je te dirai qui tu es. Ta vie a
le prix de ton oraison. Par elle,
tu t’ouvres à l’infini de Dieu.
En elle, la grâce se déploie en
vue de la mission que Dieu te
confie.
Mgr Louis SANKALE